C’est peut-être de l’espoir dont il faut que je me méfie le plus. L’espoir que « ça marche », l’espoir « d’être enfin reconnu » et autres. Je n’ai rien à attendre de ce film, si ce n’est qu’il soit fait comme j’ai envie qu’il le soit, ce que je suis d’ailleurs en train de découvrir en marchant. Mais pour le reste, tout espoir autre me parasite, me déconcentre de mon travail. Il y a un côté « Perrette et le pot au lait » que je crains comme la peste. Cet espoir-là a sur moi des vertus soporifiques. Si je me laisse envahir par ça, les questions qui se posent alors à moi deviennent « comment plaire à l’éventuel spectateur, et pire, aux éventuels financeurs » et là je suis foutu.

Ma vraie réflexion doit d’abord tourner autour de « Quel film je veux faire, et quel est celui que je suis en train de faire? ». Quand je tourne, je dois tout le temps me questionner dans ce sens. Non pas poser la question de la forme, d’abord, mais celle du fond. En pensant trop à la forme on néglige le fond. Reste qu’en négligeant la forme on perd le fond, on risque alors de perdre pied. Bonjour la dialectique.

Je pense souvent à une phrase de Renoir (il me semble) qui disait « Le plaisir qu’on aura pris à faire un film, quoique ce film devienne, personne ne pourra nous l’enlever ».

De la même façon dont on parle de retour sur investissement, je pourrais parler de « retour sur site ».

Cette semaine m’a encore apporté quelques soutiens qui me sont bénéfiques.

  1. Se. m’écrit qu’il trouve ce site un acte militant en soi, et qu’il va brancher des copains dessus.

Avec D. P. qui est peintre, cela provoque des discussions sur nos situations respectives. Il va être mon porte-micro la prochaine fois que je tourne. Tous ça c’est du bonheur.

En fait je me sens comme un peintre, non pas pour les pinceaux, la toile, etc. Mais pour cette situation de celui qui est seul, face à ce qu’il fait, à qui personne n’a rien demandé, et qui est là à peindre, convaincu qu’à ce moment précis, il n’a que ça à faire. La fréquentation de D. P. m’apprend beaucoup sur cette attitude. Cette « posture » comme on dirait à France-Culture

13/03/00