Bon, j’essaye de combler mon retard, j’ai besoin d’écrire pour tenir les choses à distance, tu parles!

J’ai dérapé, hier dans ce que j’ai écrit, je me suis laissé aller au plaisir de la formule. Tant pis, et pardon à la fois. Je garde de cette négociation plusieurs images, le matin en tournant, voir cette douzaine de tronche de Motivé-e-s à la table des négociation c’était un bonheur extraordinaire, je les trouvais tous beaux, le moment aussi. Ils étaient là, une concrétisation presque à leur insu ! Symboliquement c’est Gw. qui m’a marqué le plus, 27 ans, matheuse, elle se charge avec J-M. du calcul des sièges, des places dans la liste. Et  interpelle, les yeux grands ouverts, sans arrogance, mais sans gêne, les gens de la Gauche plurielle, contestant un mode de calcul, donnant un chiffre, et restant « politique ». Combien de négociateurs femmes, aussi jeunes, ont dans une des grandes villes de France, participés à une négociation municipale, avec de tels enjeux. C’est une des réussites évidentes de ce mouvement.

En face un quinquagénaire, plus peut-être, essaye de la contrer, peine perdue. Elle sourit, développe, J-M. lui repasse quelques munitions, l’affaire est faite.

Plus tard, elle me dira « je ne me sens pas revenir à un boulot à la con, dans un bureau, derrière un ordinateur… ». Problème du sens.

A mi-matinée, suspension de séance pour discuter du nombre de siège, on est dans le marchandage de tapis. Les Mot’ se retrouvent comme dans une mêlée, dans un recoin de la scène du Bikini, et ça carbure. Salah joue la carte, de faire avancer, de ne pas bloquer. Fa. ne veut rien lâcher, 14, 13, 12, on descend jusqu’à combien? Chacun donne son avis, la parole tourne, je filme ça avec bonheur, la lumière est pourrie, ils parlent à voix basse, tant pis. M. sort le joker : « l’AG souveraine ». On accepte 13, s’ils se bloquent sur 12, on leur rappellera que c’est l’AG qui décide, et que ça risquera de bloquer à cause de leur intransigeance.

Il va y avoir encore de longue tractations, où du côté Mot’, on rappelle les principes politiques, et de l’autre côté les principes des appareils. Je caricature un peu.

Dehors il y a les médias qui attendent, comme une meute de chiens affamés, c’est pitoyable. Petite satisfaction perso, moi je passe, et eux restent à la porte, de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

La journée continuera, avec deux allers retour en ville, puis l’A.G. au Puerto.

Dans la dernière partie avant l’AG ça sent la fatigue, on discute de l’entre-deux tours, Mot’ évoque le disque « Allez-Ouste » et propose de l’écouter. Et dans le Bikini, qui est déjà un lieu étrange pour des négociations, une délégation de 24 personnes écoute. Les délégués du PC écoutent avec par avance une sympathie évidente, J-P. F. l’adjoint de Simon, se régale, une autre partie du PS découvre, étonné, le reste se croit sur Mars, en face quelques filles de Mot’ ébauchent la gestuelle sur « Allez-Ouste ».

Moment étonnant! Là aussi c’est une première.

Le soir, à l’AG pleine, il faut expliquer les termes des accords, puis voter. Ca se fait dans la cohue, mais ça se fait. Il y a toujours quelques personnes, qui ne connaissent rien de l’histoire et qui pensent qu’elle peut démarrer aujourd’hui avec eux comme centre. Mais bon, à 10h30 c’est bouclé. Is. avec son talent habituel va raconter l’anecdote du CD, et quelques autres détails, parité homme femme etc. Une façon lumineuse  et totalement subjective de donner à voir la négociation. Quand elle fait ça, son visage s’éclaire d’un sourire qui semble dire : « les enfants je vais vous raconter une histoire que j’aime bien ».

On est plus dans le compte-rendu, procès verbal froid, on est dans l’humain.

La délégation se retire pour la conf de presse au Bikini, la rédaction des ultimes communiqués, papiers officiels. Je n’y vais pas, je suis mort, il semble que j’ai perdu quelque chose.

La délégation partie, l’AG s’effrite avec un malaise, pour certains, comme un sentiment de dépossession.

Je commence à plier mon matos, et puis des mots, et des mots, et des mots, échangés avec V. qui me font l’effet d’une transfusion sanguine.

Une impression générale, étrange, à partir de quel moment tout était déjà joué? En tout cas, dès le vote pour la coalition, le train était sur les rails. Des négociations où la possibilité de rupture est exclue totalement, est-ce que ce sont encore des négociations? Où simplement des démarches administratives à régler. On est où, là?

Certains pensent que tout était joué depuis le début.

Il y a là des évènements fondateurs qui se constituent dans le speed. Et qui risquent de ne plus être décodable avec le temps, tout en hypothéquant lourdement l’histoire à venir (Là, je m’étonne, p’têt que je suis le seul à me comprendre, mais je trouve que c’est bien dit!).

Parmi eux, la leaderisation (ça vient de sortir, le correcteur orthographique me propose laïcisation…) du mouvement. Elle se met en place de façon presque définitive à cause de la pression médiatique, et pas le temps de la gérer, et puis c’est bien plus pratique. Maintenant c’est pas possible mais quand sera-t-il possible de  vraiment se prendre  la tête sur cette question centrale… (pardi!).

Le lendemain, hier mardi 20, je passe au local, pour des problèmes d’Internet, mettre le disque en écoute sur le site de Mot’. François Simon, passe chercher  ses disques, avec la presse au cul. Quand on sait que le disque sera prêt 3 h plus tard.

Puis CA à 18h.

C’est les petites mains qui remontent en première ligne. K. démarre sur les évènements à venir, tracts, disque, tournée des quartiers, etc. Ca sent le relâchement, la fatigue généralisée, la tendance au chahut, un poil de régression, quoi.

  1. qui prends les notes, à la fin partira à la dérive. Dans les problèmes de phoning, camion avec sans sono, même sans chauffeur, etc., le tirage du journal, etc. Sous cette avalanche de détails à régler Is. tente d’interroger le groupe, sur le sens du contenu du journal, sur celui du tract etc. Elle est à contretemps, bien sûr, mais quel courage!

Un peu avant Ma. évoque le malaise de l’AG lors du départ de la délégation, qu’elle nomme « direction ». Pour la fiche signalétique, Ma. c’est la grande gueule avec un coeur sur la main. Quand elle défend son morceau, elle le défend et elle ne va le lâcher comme ça! M. est profondément agacé et exprime enfin publiquement que le pouvoir n’est pas forcément là où l’on croit, et que ceux qui assurent les même tâches matérielles constamment sont ceux qui risquent, même involontairement de tenir le pouvoir! Reste que Ma revient à la charge et sera entendue, du moins recevra l’engagement qu’elle le sera. Le mot « direction » semblait malheureux, mais ce n’est sûrement pas un hasard.

Pendant la réunion Salah reste à l’arrière. Il a un direct pendant le CA sur LCI, avec Douste qui lui, est préenregistré. Il va donc s’absenter.

Lorsqu’il passe en direct, tout le monde se rue sur la télé.

J’ai toujours été étonné comment l’accès aux médias, n’est jamais géré collectivement. Pourquoi ne pas demander au groupe qui est là sous la main « Je pense dire ceci, cela, est-ce que vous pensez que je dois ajouter autre chose ».

Ca discute sur un tract, ou un journal, mais rien sur les médias, qui eux sont parfois cent fois plus efficaces, bizarre.

Toujours pareil, encore des centaines de choses à raconter, mais pas le temps.

14/03/01