22/02/01

Hier j’ai passé ma journée avec Mot’, dehors et dedans.
Dehors, à la Reynerie, sur le marché tractage:
« Ah les Môtivés! Zebda ils sont là, moi je connais bien Maggyd…. »  Zebda revient comme un boomerang, dont il faut à chaque fois un minimum se dégager, pour pouvoir parler politique avec les gens.
Difficile de filmer dans ces lieux, ça fait limite « Safari » Je pourrais faire des plans exotiques à la pelle.
Je me questionne toujours sur la pertinence de distribuer des tracts uniquement en français dans des quartiers aussi colorés où ça parle d’abord arabe.
Ils sont trois ou quatre à distribuer des tracts et accidentellement discuter avec des gens. Il y a là quelque chose d’héroïque et de désuet à la fois.
Salah est reconnu par quelques-uns, un jeune qui travaille sur le marché discute avec lui. Ce jeune, avec une assurance à faire pâlir un universitaire, va nous faire en plein marché, un exposé qui commence par l’histoire de ses parents sur trois ou quatre générations, puis suit une étude sociologique sur la population locale, pour finir par un audit de la gestion municipale. Plus tard Salah me dira, « y en a plein comme ça ». Ce que je trouve très fort dans ce débat, c’est qu’à aucun moment l’attitude est de dire, « viens avec nous », mais « organisez-vous !». Jamais la moindre volonté de captation de quoi que ce soit.
Je commence à filmer cet échange, mais à un moment il prends conscience que ça tourne, et semble presque traumatisé par le fait de ne pas s’en être rendu compte. Je coupe. Et là c’est bizarre, parce que j’ai l’impression qu’il aimerait en fait bien être filmé, et qu’en même temps, il ne peut pas le demander et qui se je tourne à nouveau, je me moque de lui, bref, j’ai loupé une marche dans le protocole d’accord.
Je tombe sur une femme maghrébine qui semble être du quartier et qui est peut-être sur la liste de Douste, elle fait de la retape avec un efficacité remarquable, sur le mode « si vous avez besoin de quoi que ce soit n’hésitez pas à le lui demander ». Je croise M-F Mendez avec son staff qui semble être là pour poser pour la Dépêche. Je l’interpelle sur le calendrier minable qu’elle distribue au gens, s’en suit une explication qui ne l’est pas moins. Et toujours cet écart entre la gueule en vrai et le visage sur la photo, je  dois faire une fixette.
A l’arrivée de Salah, le journaliste de la Dépêche le coince pour un papier « la journée du candidat ». Je tente de filmer, mais Salah est gêné, il n’a pas envie ici sur le marché d’attirer l’attention sur lui. Il explique entre autres au journaliste, la qualité des échanges, le respect de chacun pour la parole de l’autre, etc.
Or un peu plus tard, Ch. qui a distribué ses tracts comme un petit soldat, attrape Salah pour lui faire part de deux remarques, une, que c’est pas bien qu’il y ai trois Cherfi sur la liste, et deux qu’il veut être la 69° place sur la liste parce qu’il a bossé, qu’il a ramené du monde, qu’il est connu, et que c’est un pousseur. Semble sous entendu que le Cherfi du bas de la liste, lui… Salah reconnaît le problème que peut poser la présence des trois Cherfi, mais exprime son exaspération pour le reste, et s’effac. C’est M. qui a travaillé sur l’élaboration de la liste qui prend le relais. S’en suit un affrontement d’une très grande violence, je tourne ça sans que ça ne gêne en quoi que ce soit la violence des échanges. On est loin du respect, de l’écoute, etc.

**/**

Après-midi au local:
C’est la ruche bourdonnante, avec le risque constant que les abeilles si piquent mutuellement, vu la promiscuité du lieu. Le coeur de Mot’ est là, la caméra fait trop voyeur, je gêne, je bouffe de la place qui pourrait servir aux autres. Le local serait plus grand ça irait sans problèmes. Je suis impressionné par la mobilisation. C’est pas le mot, on pourrait dire, « la vie » tout simplement. Les gens bossent comme des dingues, mais ça me plait de penser qu’il s’agit là, plus de partager un bout de vie choisie, que de produire.
18h. Réunion Commission culture. Après un gros boulot pour le journal, la commission, semble chercher un second souffle. T. trône au milieu de ce chaos et manage.  M. qui passe pour s’inscrire sur les plannings qui couvrent littéralement tous les murs du local, lance des « mais je rêve » à l’intention de T., à chaque fois qu’il lance au groupe des « je vous demande, à tous, de..,   je tiens absolument à ce que vous… »
Belle journée mais à trou.
Hier Soir un mail de N.
« Quand au film à venir s’il t’apparaît travail de titan, prends le cool, un peu comme un simple exercice grammatical : épure et simplicité. »
Plus rien à dire.

Lire dans le journal…

Ici plus tard j’écrirais peut-être…

 

Épisode 5_7 [Motivé-e-s Quartiers +Petites mains +Com]