Ma rencontre avec 100% avant hier me laisse un sale goût dans la tête. J’arrive pas à me débriefer.

Ce soir, il y a deux évènements 100%, et j’ai plus le courage d’aller y faire un tour. En fait dans tout ce tournage, il y a quelque chose qui a à voir avec l’envie, voir le désir. Je me suis retrouvé souvent avec la caméra dans les bras, attendant l’envie de filmer, cessant de vouloir rentabiliser ma présence en filmant tout ce qui se présente.

Allez, tentative d’auto – débrieffage.

Pour mon entrevue avec 100%, il y a plein de choses qui s’entremêlent. Déjà quand je l’évoque, les premiers mots qui me viennent c’est « la LCR » et pas 100%. J’ai rencontré la LCR qui fait campagne sous le nom de 100%, ensuite, ce n’était pas la LCR mais un membre, qui remplaçait celui avec qui j’avais rendez-vous, et que j’ai bien attendu 20 minutes si ce n’est plus. Il a fait le procès de ce que j’écrivais sur ce site, sans l’avoir lu lui-même, mais d’après ce qu’on lui avait dit. Puis cette façon indescriptible de me faire sentir que je ne suis pas sur la même planète qu’eux. La leur étant la vraie, la bonne, avec des kilomètres d’analyses sophistiquées  dans lesquelles je ne peux pas mettre le doigt au risque de tout foutre par terre, et là « c’est un autre débat ». Ce qui me trouble c’est que leurs analyses sont pour une part aussi les miennes, et que lorsque ce ne sont plus les miennes je le vis non pas comme une différence, mais comme une insuffisance de ma part, comme si j’étais un peu un cancre. Ils ont aussi pour le coup, ce rapport viril à la politique, qui accentue mon sentiment. Il y a toujours en filigrane, inconscient, ce côté, nous on est pas des gonzesses !

Et puis si je commence à dire qu’il pourraient faire un peu gaffe à la façon dont ils me traitent, là on me fait sentir qu’ils ont d’autres choses bien plus importante à faire, ben oui, les élections n’attendent pas !

Je suis renvoyé à la marge d’où je viens, saltimbanque, funambule, totalement précaire, et insignifiant,  et je n’ai qu’à fermer ma gueule !

Quand aux analyses qu’ils me tiennent sur Mot’, là aussi je me sens complètement déstabilisé, ils me parlent d’un système, d’une logique à Mot’ dont je ne constate à peine le 1/10ème. Et Dieu sait si j’aime les analyses radicales !

C’est le principe de la  stigmatisation que tout le monde utilise, et qu’on sur-utilise quand les choses nous échappent, au lieu de  dire, « ben là je comprends pas », on stigmatise à « donf », avec des analyses qui sont des constructions paranoïaques.

S’ils s’appliquaient à eux-mêmes les mêmes méthodes d’analyse, ils exploseraient en mille morceaux.

Bon voilà, il est 10h15, et je ne sais toujours pas si j’y vais ce soir. (conf de presse et concert au Bikini)

Mail  de MB :

salut DD,De retour du site. Ca semble décoiffer grrrave…

QQes points comme ça :

Magyd dont tu dis qu’en l’observant « répondre en rafale aux sollicitations des caméras, il joue les jeux gentils des questions-réponses… avec des mots clés, etc. Je me demande s’il n’y a pas là qqe chose qui flingue la pensée ». Ouai, comment être différent (les Mot’, ce qu’ils génèrent, la façon dont ils le génèrent) et soi-même (porte-parole) devant une caméra?

C’est tout le dilemme du porte parole. Etre celui là ou le leader? Celui qui pense? ou celui qui formule? L’homme synthèse ? Après, c’est « qu’une histoire de com ». Alors faut-il accepter les médias? Visiblement ça travaille les Mot’, au corps. Comme tu le dis c’est qu’un début. Tu n’es pas perçu comme cela (média) puisque tu participes à la création du lien, depuis le début de l’histoire. Et puis je suis sûr que tu causes.

Tes pudeurs le montrent bien : difficile, voire impossible de capter certains échanges, certaines intimités à des moments et dans des lieux donnés. Je trouve que c’est tant mieux.

Comment ne pas être « avec » ce que l’on filme? Surtout dans la durée. A ces moments ce n’est plus un objet du film mais un sujet. La grâce, quant elle existe et qu’on la capte, vient de tout le monde. Toi compris. Tu participes à l’échange. Filmer des amygdales ça peut créer l’impression de proximité mais pas forcément celle de sincérité, de vérité ou d’intensité.

Un artifice reste un artifice et n’est qu’un détournement, en creux, de l’idée de « filmer au plus près ». Prendre le point de vue (y compris et d’abord physique, avec la pesanteur donnée par « sa » place, à chaque moment) du spectateur/auditeur/militant qui se plante là à un moment, et écoute, réagit, opine, controverse, abonde, c’est être un de ceux là, être avec. C’est le point de vue au tournage, reste celui à trouver au montage. De quoi faut-il rendre compte? De ce mouvement (à l’inverse de 100 %) avec sa richesse et ses failles, sa fusion? De l’efficacité de leur campagne ? En quoi est elle riche et efficace? Ou « simplement » montrer comment ça se passe (et où visiblement les moments de grâce sont chez les Mot’) ?

Ton journal ferait un film drôlement intéressant.

Avec ce scénar qui s’écrit au jour le jour….

Amitié.

Bon toute cette question de l’empathie avec ce qu’on filme, le rôle du filmeur dans ce qu’il filme, et tout et tout…

Ca pose la question du film à faire…

Bon, mais là, j’ai d’autres choses à faire.

08/02/01